9 Siem Reap et Battambang

Publié le par Jeanne-Marie Durbesson

Ici, quand un jour férié tombe le week-end, on le compense en début de semaine. C’est pourquoi, lundi nous n’avons pas eu classe pour compenser le dimanche 9 novembre, jour anniversaire de l’indépendance du Cambodge mettant fin à 90 ans de protectorat français. Nous avons enchaîné avec la fête des eaux, les 11, 12 et 13 novembre, la plus grande fête rituelle du Cambodge. Elle a lieu au moment de la pleine lune de novembre qui marque la fin de la saison des pluies ce qui entraîne le renversement du courant du Tonlé Sap et le début des récoltes de riz. La direction de "Toutes à l'école"  nous a permis de faire le pont vendredi, et ainsi, nous avons pu bénéficier de vacances du 8 au 16 novembre.

On m’a déconseillé de rester à Phnom Penh où étaient attendus 4 millions de personnes pour assister aux célèbres courses de bateaux et festivités sur le Tonlé Sap. J’ai donc préféré partir à Siem Reap car, là-bas aussi, on fait la fête mais à une plus petite échelle. C’était l’occasion pour moi d’aller visiter le fameux site d’Angkor, et de faire un crochet au retour par Battambang, ancienne cité coloniale dans une région qui a beaucoup souffert au temps de Pol Pot.

J'ai donc pris le bus samedi 8 afin de commencer la visite des temples dès dimanche. Au Cambodge, les touristes se déplacent principalement en tuc-tuc (prononcer « touc touc ») ou en moto-dop. Il s’agit de petites motos japonaises sur lesquelles circulent la plupart des cambodgiens. C’est le véhicule familial : on en voit parfois passer avec le père, la mère et les 3 enfants dessus. Une fois j’en ai même vu une passer avec, derrière le conducteur qui se frayait un chemin dans le trafic dense de fin de journée, une femme qui tenait une petite fille sur ses genoux tandis qu'avec un bras tendu en l’air, elle tenait une perfusion. Pas d’ambulance ici … Les propriétaires de ces petits engins offrent leurs services aux touristes pour quelques milliers de riels (1 dollar = 4000 riels). C’est mon moyen de locomotion préféré.

C’est donc en moto-dop que j’ai décidé de faire le tour du site d’Angkor. Je dois dire qu’à part, quelques sportifs en vélo, j’étais bien la seule à ne pas être en bus ou en tuc-tuc. Bien m’en prit car Sina, mon petit moto-dop, réussissait à se faufiler dans la file de véhicules pleins de touristes qui dès l’aurore encombrent les chemins du site d’Angkor.
Le lieu est vraiment grandiose et grâce au conseil de Sina me recommandant de faire la visite des temples en finissant et non en commençant par Angkor Wat, j’ai pu échapper aux hordes de touristes (dont 80% d’asiatiques), et jouir de l’ambiance calme et mystérieuse d’une série de temples pour finir par la visite de la cité royale d’Angkor Thom puis du célèbre Angkor Wat.

Moi qui ne suis pas grand amateur de pierres, je dois dire que j’ai été littéralement sous le charme de tous ces temples extraordinaires, au milieu d’une nature luxuriante . Des arbres centenaires, des nappes d’eau tachetées du rose des lotus, des champs où le riz presque mûr commence à virer au roux, des vaches qui paissent paisiblement, des buffles prenant leur bain et même une famille de singes en train de déguster des bananes, et puis au détour d’un chemin, un nouveau temple dresse ses tours de briques, de grès et de latérite aux tons chauds allant du rose au brun.


Certains temples semblent prisonniers des racines tentaculaires des fromagers et ça leur donne un air encore plus mystérieux.









J’adore les fresques représentant les apsaras, ces danseuses célestes qui viennent chercher les héros morts au combat.








En voyant toutes ces merveilles, je comprends mieux pourquoi les cambodgiens sont si fiers et si nostalgique à la fois du grand empire kmer et de sa capitale Angkor (du IX ème au XIV ème siècle). Leurs ancêtres leur ont laissé un fameux héritage culturel et une véritable manne : avec une moyenne de 4000 visiteurs par jour au prix de 20 dollars l'entrée journée, ça fait pas mal …


Lundi 9, je suis partie avec 5 autres personnes et un guide faire un tour en bateau pour visiter un village lacustre situé sur le grand lac du Tonlé Sap, à 16 kms de Siem Reap. C’est très pittoresque, toutes ces maisons sur pilotis entourées d’eau . Les cambodgiens sont vraiment un peuple de l’eau car la plupart vivent de la pêche en eau douce et jusque dans les plus petites mares, on voit des pêcheurs. Les enfants nagent comme des poissons et savent manier une barque dès leur plus jeune âge. Pour circuler d’un maison lacustre à l’autre, pendant la saison des pluies, il n’y a que la barque ou il faut marcher sur une étroite planche jetée entre deux maisons. Ce sont de vrais acrobates et je sui étonnée de voir que même les bébés s’en sortent bien. Heureusement !




Mardi 10, j’ai donné rendez-vous à Sina à 5 heures du matin pour voir le lever du soleil sur Angkor Wat. Autant dire que je n’étais pas la seule ! Mais ça vaut vraiment le coup ! C’est magique : les pierres du temple se reflétant dans l’eau, changent de teinte peu à peu devant des centaines de paires d’yeux émerveillées.



Après ce beau spectacle, j’ai continué ma virée des temples. Il faut dire qu’il y en a tellement qu’on pourrait y passer la semaine sans réussir à tous les voir. Mais chaque jour, il faut marcher pendant des kilomètres, monter et descendre des centaines de marches, en particulier dans les « temples montagnes » qu’ il faut pratiquement escalader. Heureusement qu’un bon massage shiatsu pratiqué par « les mains qui voient », (par des aveugles) me remet en forme immédiatement.

Mardi 12, c’est le premier jour de la fête des eaux. J’ai la chance de trouver une bonne place sur une souche d’arbre au milieu de la foule venue s’agglutiner le long de la rivière afin d’assister aux fameuses courses de bateaux dragons. Ce sont de grandes barques colorées sur lesquelles des équipes de rameurs, masculines ou féminines, concourent deux par deux. A la tombée de la nuit, on peut voir des feux d’artifice et des bougies qu’on laisse dériver sur la rivière. Une jeune femme kmère me fait la causette. A un moment, la foule crie et certains se mettent à courir : on a vu un petit crocodile. Il a du avoir bien peur !
Pendant ce temps, un enfant des rues récupère les bouteilles en plastique jetée dans la rivière.

 

Mais, comme tu le sais, Magali, j’aime bien être placée au premier rang (allusion à la fête du Palio à Sienne), alors, je décide d’aller voir un peu plus loin ce qu’il se passe. Et j’arrive à la tribune d’honneur. J’y vais au culot et je demande au militaire qui surveille l’entrée si je peux entrer. Et je suis bien surprise de l’entendre me répondre que oui ! (qui ne risque rien n'a rien...) Je rentre donc, et bien sûr, je vais m’asseoir au premier rang. Je me trouve ainsi pas loin du gouverneur de la province et de son épouse. Un gentil monsieur qui est là avec sa famille et qui doit être un notable, me parle en français. Je suis vraiment aux premières loges pour voir se clôturer cette première soirée.

Et le lendemain, je vais directement à la tribune d’honneur. Un nouveau militaire demande les laisser-passer . J’y vais à nouveau au culot et je lui dis que j’étais déjà là hier et qu’un monsieur m’avait dit que je pourrais revenir. Ca marche encore ! Je demande même à la personne qui me conduit de me placer devant pour que je puisse prendre des photos. Il n’y a qu’à demander ! Les cambodgiens sont vraiment très gentils. Un monsieur assis à côté de moi, qui fait partie des organisateurs, me commente les courses en kmer bien que je lui aie dit (mais en anglais, qu'il ne comprend pas plus que le français) que je ne parle pas kmer. J’en suis quitte pour lui sourire et approuver chaque fois qu’il me montre ses papiers écrits en kmer en commentant avec enthousiasme. Je suppose que ses équipes gagnent…

Jeudi 13, je n’ai pas envie de passer une troisième journée à regarder les courses. Alors, je décide de prendre le bateau qui va à Battambang. On doit venir me chercher pour me mener à l’embarcadère entre 6 heures et 6 heures 30. Je suis inquiète car le minibus ne vient pas… Enfin, à 6 heures 45, c’est un moto-dop qui arrive. Et là, j’ai pensé à toi maman : heureusement que ce n’était pas toi ! Heureusement aussi que je n’avais pas une grosse valise mais un sac à dos, car c’était plutôt cocasse : le conducteur avait coincé mon sac à dos devant lui tandis que je tenais fermement mes deux sacs à main en me cramponnant malgré tout aux moments où la route défoncée me faisait décoller de la selle. Nous avons rejoint le mini bus mais j’ai vite compris pourquoi on n’était pas venu me chercher : les gens étaient serrés dedans comme des sardines et il n’y avait plus de place ni pour moi ni pour mes sacs.

Nous embarquons sur une bateau en bois couvert d’un toit sur lequel certains préfèrent s’installer pour bien profiter du paysage. Bonjour les coups de soleil ! Nous naviguons sur la rivière et sur le lac du Tonlé Sap et c’est encore une rencontre très agréable avec les habitants de villages lacustres. Mais à un moment, nous avons peur d’être en panne car le bateau cale et il  faut qu’un autre bateau vienne prêter main forte à nos deux marins. Enfin, au bout de 7 heures de navigation, nous accostons à Battambang où une bande de tuk-tuks nous attend de pied ferme.

Le soir même, je vais voir le spectacle donné par la troupe de l’école du cirque de Phare Ponleu Selpak. Cette ONG permet à plus de 400 enfants, issus de familles démunies, d’apprendre le dessin, la musique et les arts du cirque . C’est vraiment un spectacle de grande qualité.

Vendredi, je prends à nouveau un moto-dop pour aller faire un grand tour dans la campagne environnante qui est très belle. Je peux assister à des scènes de la vie champêtre : fabrication de riz « collant » dans des cannes de bambou. C’est déliceux ! Puis fabrication artisanale de galettes de riz, salaisons et séchage de poisson, séchage de bananes, fabrication de bâtonnets d’encens, fabrication d’alcool de riz, cultures d’ananas, de pomelos, bananes, et autres fruits dont la région regorge. Nous traversons des villages où la vie paraît toujours très paisible.

Dans les rizières, on commence à récolter le riz déjà mûr et on l’étale devant les maisons pour le faire sécher.




Mon moto-dop doit passer dans des chemins très boueux et ravinés. C’est plutôt sportif et parfois, il faut que je descende car le passage est trop difficile.







En route, je pense aux pauvres gens de la région qui ont tant souffert sous le régime de Pol Pot. Mon moto-dop me mène jusqu’au « champ de la mort » où des milliers de cambodgiens ont succombé aux tortures infligées par les kmers rouges dans un temple transformé en prison. Une stèle érigée grâce aux dons de cambodgiens réfugiés à l’étranger rappelle leurs atrocités. Des crânes et autres ossements sont exposés dans une châsse. J’ai toujours du mal à croire qu’autour de moi, il y a d’anciens kmers rouges qui vivent normalement comme de bons pères de familles. Aujourd’hui, ils ont 45 ans et plus. Seulement 5 de leurs chefs sont jugés actuellement. Mais la vie continue et les cambodgiens qui sont bouddhistes, acceptent leur karma et gardent le sourire. Ils veulent oublier et n’aiment pas en parler aux jeunes générations.

Battambang par elle même me déçoit plutôt. C’est la deuxième ville après Phnom Penh. Mises à part quelques rares maisons coloniales,  je n’y trouve aucun charme.







Mais on boit de si bons jus de fruits naturels au « White rose restaurant » !

Publié dans Cambodge

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M
Quelle belle virée loin des pistes touristiques On sent presque l'épaisseur et la légèreté de l'air.Continue à voir pour nous,un vrai plaisir que tu nous offres.
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C
Ca donne envie d'aller faire un tour là-bas!!!C'est vraiment magnifique gros bisous de Marseille.
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G
La petite soeur d'Indiana Jones voilà tout à fait ce que tu es! Je me suis régalée à lire et à regarder les photos de ton magnifique documentaire sur le Cambodge. continue à nous faire rêver. Courage et à bientôt. Bises, Michèle.
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